Le Docteur Olivier Kourilsky qui place ses intrigues dans les univers de la néphrologie et de la Criminelle connaît bien ces deux mondes, Cela se ressent à la lecture de ses romans, tant il y développe un climat empreint de réalité.
Séverine Dombre, praticienne en néphrologie dans un hôpital parisien, a un mauvais pressentiment quand elle accueille Adrian Dibra. Celui-ci est accompagné de deux mastards qui se disent interprètes mais semblent plutôt être des gardes du corps. Après l’avoir examiné, elle décrit les conditions de la mise en place d’une dialyse. Mais “l’interprète” rétorque qu’ils sont là pour une greffe. Séverine expose le processus plus compliqué et le délai, toujours long, de l’attente d’un donneur compatible. Pour eux, le côté financier, comme le donneur, ne sont pas des problèmes. Ils partent et Séverine pense les avoir dissuadés.
Or, trois semaines plus tard, le trio lui présente un dossier presque complet, réfute tous les arguments et la force à fixer un rendez-vous. En partant, l’un d’eux lui demande la plus grande discrétion car : “…regrettable que votre fils Vincent ait accident imprévu…”. Ce fils de seize ans, elle ne s’en occupe guère. Si sa vie professionnelle est brillante, sa vie sentimentale et familiale est à la dérive. Mais le savoir en danger fait remonter des sentiments ignorés. Aussi, quand il arrive le samedi, elle l’accueille avec chaleur, un accueil dont Vincent ne revient pas. Le week-end se déroule dans les meilleures conditions sans remarques agressives ni disputes.
Quelques jours après, elle est convoquée par la Répression des fraudes, une lettre anonyme l’accusant d’avoir favorisé une société pour un achat de matériel hospitalier. Puis, le service des cartes bancaires l’appelle, intrigué par des tentatives de retraits importants à des distributeurs. Elle revoit alors la scène, dans le supermarché où elle achetait de quoi recevoir Hubert son amant occasionnel de vingt ans son aîné. Elle s’est fait voler sa carte. Le jeune policier qui l’accueille quand elle porte plainte se montre fort aimable et motivé.
Son inquiétude monte d’un cran quand elle reconnaît son voleur en état de mort clinique avec une balle de 22 dans la tête, au service réa pour un prélèvement de rein. Puis, on lui pirate son téléphone. Elle assiste à l’assassinat d’un technicien du centre des prélèvements. Et elle n’est pas au bout de ses peines…
Dans ce nouveau livre, le neuvième, Olivier Kourilsky propose le portrait d’une héroïne particulièrement attachante. C’est une femme brillante professionnellement qui s’est attachée à son métier, une vocation, presque un sacerdoce, à cause de situations vécues pendant l’enfance. Elle délaisse alors d’autres sentiments. Elle a fait un enfant, mais celui-ci ne l’intéresse guère et les liens avec le père ont été rompus rapidement. Elle entretient, en femme libre, des relations épisodiques, sans lendemains. Pourtant cette femme forte va se trouver rapidement cernée, espionnée, prise dans un piège qui semble imparable, sauf à passer par les volontés d’un groupe mafieux.
Le romancier développe, autour de son intrigue principale, des intrigues secondaires, tel un complot dans l’hôpital, la révélation de secrets de famille en Normandie… Les acteurs de la Criminelle tissent un lien entre les différents romans de l’auteur. Olivier Kourilsky rappelle des personnages déjà rencontrés dans ses précédents romans. Ainsi, on retrouve le commandant Claude Chaudron par le biais de l’enquête sur l’assassinat dont l’héroïne a été le témoin. Cependant, ces retours n’entravent pas la compréhension du récit tant ils se font de façon explicite, sans qu’il soit nécessaire d’avoir lu les précédents romans.
Le romancier, avec sa connaissance approfondie de la néphrologie, dépeint les soins, les procédures de mise en place, en France, des dialyses et des greffes. Il le décrit de manière fort compréhensible, explicitant les raisons du choix de telle ou telle méthode. Il permet de se faire une opinion quant à la polémique entretenue au sujet des diagnostics orientés. L’auteur a un don bien particulier pour choisir ses titres, des titres qui sont toujours très évocateurs avec un clin d’œil humoristique.
Le volume est complété par Mon meilleur ami, une nouvelle parue précédemment dans le quatrième recueil des Pontons flingueurs, mais remaniée pour la présente édition.
Une fois encore Olivier Kourilsky offre une intrigue ingénieuse servie par une écriture efficace, un style enlevé et un rythme soutenu qui entraîne, malgré lui, le lecteur plus avant dans le déroulement des maintes et maintes péripéties.
serge perraud
Olivier Kourilsky, Marche ou greffe !, Éditions Glyphe, coll. “Polars et thrillers”, janvier 2018, 272 p. — 16,00 €.