Le docteur Séverine Dombre est néphrologue à l’hôpital Tenon, à Paris. Un métier exigeant qui n’explique pas vraiment que sa vie soit un désert affectif. Ça remonte sans doute au décès suspect de son père, quand elle était toute petite. Depuis, elle ne montre plus guère ses émotions. Séverine est la mère de Vincent, seize ans, mais c’est le père qui élève leur fils par ailleurs. Sa relation intime avec Hubert Pélissié, chef d’entreprise âgé de soixante-six ans, n’est que ponctuelle et pourrait sembler œdipienne. Gardant une certaine distance envers les autres, elle apparaît satisfaite de faire passer sa profession avant sa vie privée.
Séverine reçoit un nouveau patient ayant besoin d’une greffe de reins. Cet Albanais est accompagné de deux sbires, plutôt gardes-du-corps que traducteurs. Elle souligne que les procédures médicales et les règles légales sont strictes en France, que les délais d’attente sont généralement longs. Ce qui ne déroute pas du tout ses interlocuteurs, prêts à payer de grosses sommes pour accélérer les choses. Ils obtiennent tous les justificatifs exigés, non sans faire peser une pression forte sur Séverine. Elle va devoir répondre d’une fausse accusation devant la Répression des Fraudes. Puis il se produit un incident, quand sa carte bancaire est dérobée. Peu après, le voleur est abattu dans un règlement de comptes. Hospitalisé à l’hôpital Tenon, il ferait un donneur d’organes compatible avec l’Albanais.
Surtout, Séverine s’inquiète pour son fils Vincent. L’entourage du patient étranger est très bien renseigné sur ses proches et elle-même, y compris sur les moyens de la contacter hors du milieu hospitalier. Elle pense que ça peut résulter d’une vengeance contre elle, au sein de son service. Lorsque Séverine assiste à l’exécution d’un nommé Marmont, qui fait partie de la sphère médicale, probable complice des Albanais, c’est bien la preuve que la menace plane aussi sur elle. Séverine se rapproche de son fils, emmenant Vincent en week-end sur la côte normande. Outre les sites du Débarquement, c’est le petit village de Delaiseville qui intéresse la jeune femme. C’est de là qu’était originaire son père, qu’elle n’a quasiment pas connu. Une bourgade qui traversa des heures sombres à la Libération.
L’équipe des policières Claude Chaudron et Nathalie Machaut, de la Criminelle, a lancé son enquête sur le meurtre de Roger Marmont. Étant une des dernières à l’avoir rencontré, Séverine est interrogée, et bientôt mise sous surveillance. Si on y ajoute le cas du voleur de carte bancaire, trop de morts violentes autour d’elle, estime la police. Dans le même temps, les Albanais sont de retour dans le service de Séverine, disposant d’un "donneur vivant" pour la greffe. Tout serait en ordre, mais le patient est trop faible et elle est obligée de reporter l’intervention. Face à ce retard, les Albanais vont augmenter la pression, s’en prenant à Vincent – c’était à craindre. Si Séverine doit réagir en prenant les bonnes décisions, les policiers ne sont pas inactifs non plus…
Le technicien, qui semblait porter tous les malheurs du monde sur les épaules, se dirigeait vers l’avenue Parmentier. Il allait sûrement prendre le métro. Séverine accéléra le pas pour l’aborder. Elle avait prévu de l’attaquer de front, comme si elle était au courant de tout, pour le déstabiliser. Ce Roger ne lui paraissait pas bien solide.
Au moment où elle arrivait à quelques mètres de lui et s’apprêtait à l’appeler par son nom, une moto chevauchée par deux individus portant un casque intégral s’approcha du trottoir. Le passager arrière tendit un bras vers Roger. Séverine entendit deux violentes détonations. La tête du technicien explosa, le sang jaillit et l’homme s’effondra. "Sûrement pas un calibre 22", eut-elle le temps de se dire. La moto repartit dans un rugissement et disparut en quelques secondes sans qu’elle puisse relever son numéro. Des cris s’élevèrent.
Séverine s’éloigna au plus vite du lieu de l’assassinat. Elle n’avait pas du tout envie d’être interrogée. Roger était mort et elle savait qui étaient les commanditaires.
Voilà un roman qui fourmille de qualités. Le lecteur de polars apprécie quand l’auteur s’est attaché à soigner la construction de l’intrigue. Avec Olivier Kourilsky, le perfectionnisme est de rigueur en la matière. D’autant que, s’agissant ici de son 9e titre, il maîtrise les rouages de l’histoire avec l’aisance qu’apporte une expérience certaine. Avec limpidité, il présente les portraits des protagonistes, et les faits auxquels est confrontée son héroïne. L’esquisse psychologique, basée sur son passé, est amplement suffisante pour que l’on entre rapidement avec elle dans l’action, pour partager sa dose d’anxiété.
Si l’ambiance de ce "polar médical" est 100 % crédible, c’est avant tout parce que Olivier Kourilsky connaît parfaitement le contexte. Sa biographie nous rappelle qu’il fut longtemps l’assistant du professeur Gabriel Richet à l’hôpital Tenon avant de prendre, en 1982, la direction du service de néphrologie-dialyse du tout nouvel hôpital d’Évry. Le métier du docteur Séverine Dombre et l’univers hospitalier n’ont donc pas de secret pour lui. C’est un atout non négligeable, pour évoquer un milieu avec réalisme. Ensuite, viennent des situations issues de la fiction, improbables mais néanmoins imaginables. Concernant l’épisode dramatique au village de Delaiseville, on est également proches d’événements qui se sont vraiment déroulés, en Normandie ou ailleurs en France.
Un suspense solide, riche en péripéties et en risques encourus, raconté avec une fluidité exemplaire. Un roman que l’on prend grand plaisir à lire !
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